Un cri [antikvár]

Si quelqu'un ose me dire que j'ai une sale gueule, je hurle. Fatiguée. Je suis une femme de quarante-qua-tre ans fatiguée. Sans intéret. Et qu'on ne me parle pas de mon sacerdoce, de ma profession admirable : la plus grande joie que m'ait donnée cette semaine un malade incurable, c'est de me dire vous etes jolie. Une midinette, eh oui. L'étonnant, pour moi, serait qu'on fut surpris. Une midinette qui a l'obligation d'arriver a l'hôpital a huit heures et demie tous les jours. Mais ce matin elle enfile sa blouse blanche avec cinquante minutes de retard et une secrete jubilation : elle a passé la nuit hors de chez elle, ce qu'elle n'avait pas fait depuis trois ans. Tete effrayante. Je n'ai pas eu le temps de me maquiller. Fond de teint et rouge a levres ne changeraient d'ailleurs pas grand-chose : l'ennemie c'est cette paupiere fripée qui s'affale betement et fait de mon oil droit un prisonnier morose. « Madame. » Il est dans mon dos avec sa voix étouffée et son odeur de muguet fané qui m'écoure. Mon interne, le seul qui ait réussi a susciter ma colere en plus